Ebooks gratuits en ligne télécharger pdf Chair molle PDF DJVU FB2 by Paul Adam -
À la gare de Douai, Lucie Thirache était descendue.
Elle se faufila parmi les commissionnaires chargés de malles et parvint sous la marquise extérieure : les portières d’omnibus béaient au bord du trottoir. De l’une à l’autre elle allait, indifférente aux boniments des conducteurs, s’attardant à déchiffrer les enseignes. L’inscription « Hôtel de Versailles » l’arrêta ; dans sa dernière lettre, la patronne avait désigné cette voiture. Elle monta. Pour lui faire place, un monsieur ramassa sur ses genoux les pans de sa redingote ; une jeune fille amoncela un châle, des paquets, plusieurs cartons. Lucie remercia, recueillit un coup de chapeau et un sourire. Flattée de ces politesses, elle examinait ses compagnons avec sympathie ; par les regards, rapidement, une intimité s’établissait :
— Où va Mademoiselle ? interrogea le cocher.
Elle rougit, par embarras : indiquer l’adresse, sans doute bien connue, de la maison Donard, c’était, devant tous, dénoncer son métier de fille. Muette, elle espéra d’inopinées recommandations qui, données par les autres voyageurs, étoufferaient peut-être sa réponse. Personne ne parla. Elle dut se décider.
— 7, rue Pépin.
Un rire montra les dents gâtées du cocher. Il reclaqua la portière, proclamant à un collègue :
— Hé ! Flachaut, nous nous mettons bien : nous conduisons une nouvelle pour le 7.
Avec un bruit étourdisseur de vitres dansant en leurs châssis, l’omnibus cahota par la ville. Le monsieur avait mis un binocle. Partout, il scrutait Lucie, dans une étude insolente de sa toilette et de ses gestes. Sous ce regard la fille détourna la tête. Par le vasistas elle fixait les yeux sur une place caillouteuse, vers un kiosque à musique militaire, renfermant des chaises en piles. Elle songea : Ainsi on la méprisait, tout de suite, sitôt sa condition décelée et, pourtant, elle n’était pas encore au bordel ! Que serait-ce quand elle en porterait la livrée, ces hardes voyantes qu’elle imaginait bleues, rouges, vertes, très décolletées ; et, si on lui donnait des peignoirs de gaze, ils lui siéraient parfaitement, car elle avait la peau fort blanche.
Elle s’oublia en une minutieuse analyse de ses beautés corporelles et, ayant pensé aux costumes qui lui conviendraient le mieux, les magasins l’intéressèrent. Puis elle se mit à considérer les passants ; des dames marchandant au seuil des boutiques, des hommes graves, portant sous le bras des serviettes en cuir. En elle-même, furent critiquées leurs allures, impitoyablement. Aux rampes des balcons, des jeunes gens s’étayaient, fumant. L’idée qu’ils seraient ses clients ramena la fille à l’appréhension de son nouveau métier, la fit se désoler encore, se reprocher, ainsi qu’une faute, l’instant de distraction qu’elle venait de prendre. Cependant, il lui était bien permis s’éjouir un peu ; bientôt, elle allait être prisonnière pour un long temps.
Le monsieur s’était approché : il se serrait à elle, érotique. Lucie se recula, mimant une moue froissée. Vraiment il la dégoutait, cet homme ; il n’était même pas convenable, devant le monde ! Sévèrement, elle le toisa ;...
Détails Chair molle
Le Titre Du Livre | Chair molle |
Auteur | Paul Adam |
Catégories | Érotisme |
Évaluation du client | 3.8 étoiles sur 5 de 403 Commentaires client |
La taille du fichier | 18.83 MB |
No comments:
Post a Comment